Afin d’investiguer leur rôle dans 2 cas de zygomycose cutanée à Lichteimia (Absidia) corymbifera survenus chez 2 patients brûlés en 2013 et 2014 au sein du Centre de traitement des brûlés du CHRU de Lille, nous avons analysé par culture et par PCR en temps réel ciblant Mucor/Rhizopus, L. corymbifera et Rhizomucor différents lots de bandes de crêpes et élastoplastes utilisés pour les pansements des patients.
La présence de moisissures a été détectée par culture sur 5/5 (100 %) et 9/11 (82 %) lots de bandes de crêpes ainsi que sur 3/3 (100 %) et 3/3 (100 %) lots d’élastoplastes analysés en 2013 et 2014, respectivement. Les espèces les plus fréquemment isolées étaient, pour les bandes de crêpe, Penicillium et Aspergillus versicolor (retrouvés dans 60 % des échantillons en 2013 et, respectivement, 36 % et 18 % des échantillons en 2014), et Aspergillus fumigatus (détecté dans 20 % des échantillons en 2013, et 55 % 2014). Pour les élastoplastes, A. fumigatus et Fusarium étaient les micromycètes les plus fréquents, présents dans 1/3 et 3/3 échantillons en 2013 et 2/3 et 1/3 échantillons en 2014. La présence de mucorales était détectée sur 1 élastoplaste en 2013 (1 colonie de Rhizopus) et 1 bande de crêpe en 2014 (1 colonie d’Absidia). Par ailleurs, la recherche d’ADN de Mucor/Rhizopus et L. corymbifera effectuée sur 5 bandes de crêpe échantillonnées en 2014 était positive dans 80 % des cas, avec des quantités variant de 5,2 à 40,7 fg/μl, et 2,9 à 103,5 fg/μl, respectivement, et, de façon intéressante, pour L. corymbifera, la quantité la plus élevée retrouvée dans l’échantillon positif en culture. Pour les 3 élastoplastes analysés, la qPCR Mucor/Rhizopus était positive pour tous les échantillons, avec des quantités variant de 12,6 à 31,4 fg/μl, et la qPCR L. corymbifera négative pour les 3 échantillons. Enfin, la qPCR Rhizomucor n’était positive que pour 1 des 5 bandes de crêpe et 1 des 3 élastoplastes analysés (avec des quantités faibles, de 5 et 1,9 fg/μl, respectivement).
La présence de L. corymbifera dans les bandes de crêpe, détectée par culture et par qPCR, suggère que ces bandages pourraient avoir été à l’origine des zygomycoses cutanées survenues chez les patients brûlés dans notre centre. Par ailleurs, la détection d’A. fumigatus ou de mucorales appartenant au genre Rhizopus indique que ces bandages non stériles, même sans contact direct avec la plaie, représentent une source d’infection potentielle par de nombreux pathogènes fongiques, et que leur utilisation devrait être exclue pour les pansements des brûlures étendues.