L’enquête repose sur la réalisation de deux entretiens successifs réalisés auprès de 31 hommes, initialement inclus dans l’étude Hepaig. Ces entretiens, intégralement retranscrits, ont fait l’objet d’une double lecture, psychodynamique et sociologique, selon une posture épistémologique se référant à une approche compréhensive des comportements.
Cet article s’intéresse spécifiquement à la santé psychique des enquêtés et à la dimension psychodynamique de leurs récits. Bien que les entretiens, réalisés par le sociologue, ne soient pas l’équivalent de « cas cliniques », les enjeux psychiques y sont très présents. Les répondants évoquent, avec leurs mots, leurs expériences du stress, de la « déprime » et évoquent pour certains leurs idées suicidaires. Ils abordent en majorité leurs pratiques, et les motivent selon un discours de recherche de jouissance et de maîtrise rationnelle des risques.
À bien des égards, les enquêtés apparaissent comme des « hommes ordinaires », notamment du point de vue de leur socialisation sexuée et de leur représentation du risque. Leur spécificité du point de vue de la santé psychique tiendrait à leur expérience des discriminations et à leur vécu d’une maladie chronique. En exprimant une tension permanente entre pulsion et raison, entre recherche de jouissance et besoin de maîtrise de leur vie, ils présentent les caractéristiques de l’individu hypermoderne dont les contradictions se révèlent dans le rapport à l’autre.
Les enquêtés, bien informés, adhèrent au discours médical positif des soignants, qui les soutient psychiquement face au poids de morbidité des infections par le VIH et le VHC. L’évolution des cultures sexuelles se traduit, pour ces hommes, par un rejet de la norme du préservatif et par l’adoption de pratiques décrites comme plus satisfaisantes, mais pouvant comporter des risques accrus. Leurs comportements sont toutefois régis par d’autres dimensions que la connaissance et la rationalité. La recherche de jouissance ne s’embarrasse pas toujours des freins et des empêchements que la raison imposerait. Cela devrait conduire les soignants à mieux entendre et accompagner les efforts de réduction des risques de leurs patients.