Comment lire « Au-delà du principe de Plaisir » ?
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文摘
L’auteure cherche à montrer que le texte de Freud de 1920 est le développement d’une hypothèse, organisatrice d’un champ d’expériences qui semblent d’abord hétérogènes présentée comme telle par lui-même. Il ne s’agit ni d’une intégration des pulsions dans une notion biologique de la mort et de la vie, ni d’une métaphysique, qui unifierait le sexuel et le biologique, c’est une réponse à la question : peut-on mettre en évidence dans la clinique de la psychanalyse un phénomène symptomatique ou culturel dans lequel ce qui relève de la destructivité pulsionnelle soit concevable indépendamment du principe de plaisir comme visée d’une satisfaction de l’appareil de l’âme ? Ce texte a été lu de façon très partielle tant par les psychanalystes favorables ou non à la notion de pulsion de mort (par exemple, Winnicott) que par les philosophes (par exemple, Derrida ou Deleuze).

Méthodes

Resituer la construction d’ensemble du texte et sa logique pour évaluer la portée des trois passages généralement isolés et montés en épingle : le jeu du fort-da chez l’enfant, d’une part, l’idée évolutionniste que les pulsions comme les cellules vivantes ont une tendance interne à aller droit à la mort, enfin la référence au discours d’Alcibiade sur l’amour dans Le Banquet de Platon. La méthode freudienne est ici comparable à celle de Galilée qui multipliait les expériences concevables grâce à l’hypothèse qu’il formulait sur le temps de la chute des mobiles dans le vide : il raisonnait sur de multiples expériences qu’il réalisait en montrant qu’aucune de ces expériences ne permettait d’isoler le facteur que nous appelons, depuis, mouvement uniformément accéléré. Or, c’est cette différence dans l’inadéquation de chaque expérience à l’hypothèse qui valide cette dernière. Freud évoque tour à tour les névroses de guerre, le jeu des enfants, le plaisir des adultes au théâtre tragique, le transfert négatif pour montrer que son hypothèse d’une pulsion de mort indépendante par rapport au principe de plaisir n’est (presque) vérifiée que dans le plaisir des adultes à se représenter une catastrophe de la vie humaine. Elle ne l’est pas dans le cas du jeu des enfants. Tous les autres exemples sont conçus comme des cas de mélange entre les deux principes. C’est cette mise en jeu négative d’une multiplicité d’expériences construites, ici par la clinique, qui l’amène à ce qu’il nomme sa spéculation biologique : cette dernière, à travers toutes les lectures et les hésitations des biologistes de son temps dont il se distingue tour à tour explicitement, vise à préciser comment la destructivité pulsionnelle qui s’annonce dans la répétition transférentielle est l’envers d’une contingence indispensable pour que la destructivité à l’œuvre dans les pulsions mais transposée dans la cure (Übertragung veut dire transposition) puisse inventer dans les formations de l’inconscient et en particulier dans les rêves, de nouveaux circuits et de nouveaux objets dont les matériaux sont comme prélevés sur ce qui risque de mener au circuit court de « la mort ». La spéculation biologique n’est jamais isolée puisque Freud revient ensuite à Eros/Thanatos en lisant Platon, puis à Schopenhauer pour le critiquer en même temps que Fliess qui, lui, croyait à la pulsion de mort biologique et dont l’épistémologie était holiste. Il ne quitte jamais la clinique puisque le texte se termine sur le sadisme et le masochisme comme phénomènes cliniques qui définissent l’érotisation de ce qui tend à une destruction radicale de l’autre et de soi.

Résultats

1. L’hypothèse de la pulsion de mort anticipe les travaux contemporains sur l’apoptose, (Jean-Claude Ameisen, La Sculpture du vivant (Paris 5e éd. collection Points/Seuil 2007) mettant en jeu un rapport analogue dans les deux champs (formation des organismes et formation des pulsions sexuelles) entre la détermination des composantes destructrices et la contingence des facteurs qui retardent la destruction tout en se liant aux facteurs destructeurs. Le résultat est qu’on l’appelle le vivant en biologie, l’inconscient sexué en psychanalyse. L’analyste est l’instrument qui crée les conditions pour que cette nouvelle articulation puisse se faire. Cela distingue le hasard en biologie et la contingence en psychanalyse. 2. En remettant en cause la distinction psychologique de l’intérieur et de l’extérieur pour l’appareil de l’âme, L’Au-delà permet aussi de discuter la thèse de Catherine Malabou dans Les Nouveaux blessés (Paris, Bayard 2007) selon laquelle les neurosciences réfuteraient la conception psychanalytique du trauma. Dans les lésions cérébrales, deux phénomènes distincts sont à l’œuvre ensemble : la destruction anatomique et physiologique du cerveau à partir d’une cause externe, d’une part, et la manière dont le sujet souffre et jouit de cette catastrophe qui n’a rien à voir au départ avec lui, d’autre part. L’extérieur a deux acceptions distinctes. Des facteurs apparemment contingents sont capables grâce au transfert, de transformer le trauma : comme dit Freud, dans l’Évolution, les rencontres de hasard « rajeunissent les cellules ». Ce rajeunissement n’est pas la procréation, et il ne se révèle efficace que parce qu’il se produit dans le voisinage du risque de destruction. Ce « voisinage » doit être pensé différemment en biologie (symbioses) et en psychanalyse (capacité inventive de la pulsion de mort empruntant des matériaux à la destruction).

Discussion

La pensée de Freud dans ce texte se formule dans un vocabulaire et parfois avec des concepts inadéquats : 1. Par exemple, alors que la pulsion de mort et le trauma au sens psychanalytique exigeraient de remettre explicitement en cause l’opposition de l’extérieur et de l’intérieur lorsqu’il s’agit de « l’appareil de l’âme », il continue d’employer ces notions sans les redéfinir explicitement. 2. Ou encore, la multiplicité de ses références à la théorie de l’Évolution en biologie s’accompagne de multiples revirements sur la question de l’homogénéité ou de l’hétérogénéité des deux champs dans lesquels il repère, explicitement, un mécanisme très proche dans l’intrication entre destruction et transformation qui se révèle inventive après coup. Or, chaque fois que Freud cède au mirage de la découverte d’une origine commune au vivant au pulsionnel, le spectre de Fliess apparaît dans son texte. Puis il s’en dégage avec quelque violence trop allusive. C’est particulièrement net lorsqu’il conjoint Schopenhauer et Fliess pour se dégager des deux en même temps mais sans s’expliquer. Et c’est alors qu’il joue à se faire philosophe en passant dans le registre du mythe platonicien d’Eros. L’inanalysé de son rapport à Fliess trouble sa méthode si remarquable de confrontation entre la clinique et l’hypothèse. Mais ce « trouble » dans la pensée est aussi ce dont traite la discipline qu’il a créée.

Conclusions

L’enjeu épistémologique et philosophique est de réfléchir sur le statut des hypothèses dans la clinique de la vie sexuelle et dans les formations de l’inconscient. C’est pourquoi sans être une science, la psychanalyse a besoin d’un constant voisinage avec les sciences. L’enjeu de la clinique est d’approcher l’originalité de la pratique psychanalytique, qui n’est nullement une discipline impérialiste mais qui se donne les moyens d’explorer et de transformer un aspect de la réalité : la liaison entre souffrance, jouissance et culture.

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