Au vu de l’augmentation d’utilisation des cytotoxiques et des effets sanitaires notamment cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques rapportés, le service de médecine du travail du personnel hospitalier du centre hospitalier universitaire de Lille a souhaité optimiser sa dé
marche de prévention relative à la manipulation et dispensation des cytostatiques, sur les bases d’observations d’activités, et de résultats de métrologie surfacique et biologique.
Méthode
L’évaluation de l’exposition a été réalisée, au sein de l’unité de reconstitution centralisée des cytotoxiques, et de 4 services de soins, administrant des cytotoxiques, par des prélèvements urinaires (4 échantillons étagés par agent : début de cycle – début de poste, avant-dernier jour du cycle – début et fin de poste ; fin de cycle – début de poste) et surfaciques, permettant l’identification de 10 molécules cytotoxiques d’intérêt (cyclophosphamide, ifosfamide, gemcitabine, ganciclovir, cytarabine, 5-fluorouracile, méthotrexate, dacarbazine, doxorubicine, irinotécan). L’activité a été analysée par auto-questionnaires, et études de postes.
Résultats
Trente-huit sujets volontaires ont été inclus de novembre 2013 à novembre 2014 ; 31 % (n = 129/411) des résultats des prélèvements surfaciques étaient supérieurs ou égaux à la limite de détection (LDD) pour au moins l’une des molécules recherchées, et sur des surfaces inattendues, témoignant d’une contamination manu-portée, et de la rémanence de certaines substances, malgré le nettoyage. Les niveaux maxima d’exposition mesurés par molécule se répartissaient entre des traces (pour la doxorubicine), et 2746,1 ng/100 cm2 (pour le cyclophosphamide). Les résultats des dosages urinaires étaient tous inférieurs à la LDD. L’analyse des pratiques a identifié la catégorie de personnel regroupant les agents de pharmacie, les aides-soignants, et les agents de services hospitaliers comme les moins formés et informés des risques liés à ces produits, de la conduite à tenir en cas d’exposition, ou d’incident.
Conclusion
En dépit d’une contamination significative des surfaces, et d’une insuffisance de port d’équipements de protection individuelle dans la plupart des services, cette étude a confirmé l’absence de contamination individuelle interne. Ce projet témoigne de la complémentarité de la biométrologie et des prélèvements surfaciques dans l’évaluation de l’exposition aux cytotoxiques et permet de disposer de données objectives pour sensibiliser le personnel exposé lors du rendu des résultats collectifs et individuels. Il contribue au développement d’outils utiles à la prévention des risques professionnels applicables en pratique courante en milieu de soins ou dans d’autres secteurs d’activité exposés.
